1982

"Les r�volutions vaincues sont vite oubli�es. Pourtant, de tous les bouleversements apr�s la Premi�re Guerre Mondiale, ce sont les �v�nements en Allemagne qui ont fait dire au premier ministre britannique Lloyd George : � Tout l'ordre politique, dans ses aspects politique, social, et �conomique, est mis en question par les masses d'un bout � l'autre de l'Europe. � Voil� que survenait une grande agitation r�volutionnaire, dans une soci�t� industrialis�e avanc�e, et en Europe occidentale. Sans comprendre sa d�faite, les grandes barbaries qui se sont r�pandus sur l'Europe dans les ann�es 30 ne peuvent pas �tre compris � car la croix gamm�e est d'abord entr�e dans l'histoire moderne sur les uniformes des troupes contre-r�volutionnaires allemandes de 1918-1923, et parce que la d�faite en Allemagne a fait tomber la Russie dans l'isolation qui donna � Staline son chemin vers le pouvoir."

Chris Harman

La r�volution perdue

Chapitre 11 � Ann�e de crise (1923)

1982

Il n'y a jamais eu de p�riodes dans l�histoire r�cente de l�Allemagne aussi favorables � une r�volution socialiste que l��t� de 1923. Dans le tourbillon de la d�valuation mon�taire toutes les id�es re�ues d�ordre, de propri�t� et de l�galit� avaient s'�tait dissoutes. (...) Ce n��taient pas seulement les travailleurs dans leur ensemble qui ressentaient chaque jour plus clairement que les conditions �taient intol�rables et que le syst�me tout entier devait conna�tre un d�nouement terrible. La classe moyenne pill�e et ruin�e �tait �galement remplie d�un ferment r�volutionnaire. (Arthur Rosenberg, un ancien intellectuel communiste � de gauche ï¿½ �crivant dans les ann�es 1930.)1
La mis�re �conomique est trop grande dans les masses. (...) La mis�re �conomique pr�pare le terrain sur lequel grandissent les semences de coups d'Etat et de r�volutions. (Un rapport du commissaire prussien � la s�curit� publique, au d�but de 1923.)2
On ne peut nier (...) que de larges masses de la classe ouvri�re s��loignent de la tactique des vieux syndicats et recherche de nouvelles voies. (...) Avec la meilleure volont� du monde, les dirigeants (ne peuvent plus) plus tenir en main la classe ouvri�re en �bullition. (Un social-d�mocrate d�Allemagne centrale, Horsing, dans un rapport au gouvernement � l��t� 1923.)3
L�Allemagne �tait au bout du rouleau. Par d'incessantes gr�ves, manifestations et combats de rue, les travailleurs protestaient contre le caract�re d�sesp�r� de leur existence. (Une ancienne communiste �crivant dans les ann�es 1960.)4
Une dissolution de l�ordre social �tait attendue d�un moment � l�autre (Le ministre des finances, se rappelant le pass� imm�diat en novembre 1923.)5
Nous faisons face aujourd�hui � la crise la plus grave que le Reich ait jamais connue (Ordre g�n�ral �mis par le chef des forces arm�es, Seeckt, en septembre 1923.)6
La situation en Allemagne est devenue telle que le probl�me de faire une r�volution victorieuse est devant nous dans toute sa magnitude. (...) Les travailleurs accourent en masse vers notre parti. (...) La prise du pouvoir est possible. (Brandler, pr�sident du Parti Communiste Allemand, dans la Pravda du 23 septembre 1923.)7

L�ann�e 1923, pour la grande majorit� des Allemands, fut l�Ann�e de la Faim. Ce fut l�ann�e de la plus grande crise qu�ils aient connue, l�ann�e o� les salaires tomb�rent � moins de la moiti� de leur valeur de 1914, l�ann�e o� l�inflation d�truisit l��pargne d�une vaste section de la classe moyenne.

Ce fut l�ann�e o� l�unit� de l�Etat allemand semblait moribonde, avec quatre puissances rivales occupant diff�rentes r�gions du pays : l�arm�e fran�aise en Rh�nanie et dans la Ruhr, l�extr�me droite en Bavi�re, l�extr�me gauche en Allemagne centrale, et le gouvernement officiel au Nord. Ce fut l�ann�e o� � la fois la gauche r�volutionnaire et la droite fasciste se mobilis�rent pour prendre le pouvoir. Pourtant, ce fut une ann�e qui se termina en laissant la d�mocratie bourgeoise plus ou moins intacte.

Les origines de la grande crise : l�inflation

La grande crise sociale de 1923 a �t� constitu�e de trois �l�ments �troitement imbriqu�s. Le premier �tait une inflation sans pr�c�dent, qui atteignit son pic � la fin de l��t�. A ce moment l�, les prix doublaient en quelques heures. Des histoires de la p�riode sont entr�es dans la mythologie sociale, bien au del� de l�Allemagne : les queues de gens portant des bo�tes en carton � la banque pour y ranger les centaines de billets n�cessaires pour acheter quelques rares n�cessit�s ; les travailleurs pay�s � 11 heures du matin pour pouvoir aller faire leurs courses avant que les prix n�aient doubl� � midi ; l��tudiant qui voyait le prix de sa tasse de caf� augmenter de 80 % pendant qu�il �tait assis devant elle ; et les billets d�un million de marks utilis�s comme papier mural.

C��tait l�argent-confetti dont les politiciens continuent sous nos yeux � agiter le spectre. Ce qu�ils n�expliquent pas, cependant, c�est comment une inflation � une telle �chelle a pu s�abattre sur une nation dot�e d�une des plus puissantes �conomies de la plan�te.

L�inflation commen�a pendant la guerre, lorsque le gouvernement avait d��normes factures � payer. Il ne pouvait y parvenir en taxant les travailleurs, qui vivaient d�j� en dessous du niveau de subsistance, et ne voulait pas faire payer ses amis du monde des affaires. Alors il emprunta de vastes sommes, dans l�espoir de les rembourser gr�ce aux b�n�fices d�une victoire rapide. Lorsque la victoire se fit prier, il eut recours � la planche � billets. Dans les ann�es 1914-1918 les prix doubl�rent.

Mais la politique consistant � financer de cette fa�on les d�penses de l�Etat ne cessa pas avec la guerre. Elle comportait trop d�avantages pour le grand capital. Les prix augment�rent de 42 % entre novembre 1918 et juillet 1919, et en f�vrier 1920 atteignirent huit fois et demi leur niveau d�avant-guerre.

Dans les ann�es suivantes, les cercles nationalistes d�extr�me droite financ�s par les grands milieux d�affaires mirent l�inflation sur le compte des r�parations et des pertes de territoire cons�cutives au Trait� de Versailles. Mais c��tait loin de constituer une explication compl�te � le paiement des r�parations n�ayant pas commenc� avant janvier 1920. Avant cette date vinrent les �normes augmentations de prix mentionn�es ci-dessus � et de mars 1920 � mars 1921 la valeur du mark sur le march� des changes resta stable. Puis elle s�effondra, passant de 70 marks pour un dollar � 270 ; mais il y eut encore cinq mois de stabilit�.

La � grande inflation ï¿½ commen�a � monter en puissance en juin 1922. Il fallait 300 marks pour acheter un dollar en juin, 8 000 six mois plus tard. Les prix int�rieurs n�augment�rent pas aussi vite � mais ils s��lev�rent comme jamais auparavant. L�effet sur les salaires �tait d�j� catastrophique. En 1920, des groupes tels que les mineurs avaient vu leurs salaires r�els s�am�liorer, passant de 60 % du chiffre de 1914 � 90 %. Pendant l�ann�e 1922 ils descendirent � moins de la moiti� du chiffre de 1914.

Le retour de l�inflation en 1922 n��tait pas � in�vitable ï¿½. Bien des �conomistes d�vou�s au capital, � l��poque et depuis, ont diagnostiqu� qu�elle aurait pu �tre conjur�e si le gouvernement avait �t� pr�t � utiliser ses r�serves d�or et � introduire un syst�me fiscal ad�quat. En fait, l�action du gouvernement a bien r�ussi � trois reprises � arr�ter provisoirement la chute de la valeur de la monnaie � en 1920, au d�but de 1922 et � nouveau en mars-avril 1923.

Mais aucun gouvernement ne pouvait maintenir longtemps une telle politique : elle fut obstin�ment combattue par les sections les plus puissantes du monde des affaires jusqu�� l�automne de 1923. Comme trois historiens r�cents de l�inflation ont not� :

Les repr�sentants de l�industrie allemande propageaient inlassablement leurs th�ses, avertissant des cons�quences qu�un renversement de la tendance du mark � la baisse aurait pour les exportations, l�emploi et l��conomie allemande dans son ensemble.8

L�industriel le plus influent �tait le � roi de la Ruhr ï¿½, Stinnes. La direction du d�partement d�Etat am�ricain pour l�Europe l�appelait � l�homme le plus puissant d�Allemagne ï¿½.9 Stinnes parlait ouvertement de � l�arme de l�inflation ï¿½ - et on pu voir quelle sorte d�arme c��tait par ses effets sur Stinnes lui-m�me.

L�empire industriel contr�l� par Stinnes s'�tait �tendu par bonds successifs en m�me temps que les prix montaient � partir de 1914. Lui et ses coll�gues magnats avaient un acc�s permanent aux cr�dits bancaires, qu�ils pouvaient rembourser des mois plus tard avec du papier-monnaie qui ne valait plus qu�une fraction des actifs � r�els ï¿½ que ces cr�dits avaient permis d�acqu�rir. De cette fa�on ils pouvaient racheter les entreprises plus petites qui n�avaient pas les m�mes liens avec la finance. Pendant la guerre, l�empire de Stinnes s�agrandit jusqu�� ce qu�il contr�le les mines, les aci�ries et une partie de l�industrie �lectrique.

Le retour de l�inflation apr�s la guerre lui permit de s��tendre � la fabrication du papier et � l�imprimerie, aux journaux et � l��dition, aux chantiers navals et aux lignes maritimes, aux h�tels et � l�immobilier. Au bout du compte, il poss�dait 4 000 entreprises distinctes. Et ce n��tait pas tout. Le fait qu�il contr�le l�industrie de l�exportation lui fournissait des devises �trang�res, avec lesquelles il pouvait sp�culer contre le mark � volont�, et acheter pas moins de 572 entreprises �trang�res.

La politique gouvernementale de financement des d�penses par la cr�ation de monnaie avait un grand avantage de plus pour Stinnes et ses amis : ils payaient les imp�ts de l�ann�e pass�e avec l�argent de l�ann�e en cours, qui ne valait plus qu�une fraction de la taxation originale. En fait, ils ne payaient pas du tout d�imp�t : en �t� 1923, les recettes fiscales du gouvernement ne couvraient que 3 % des d�penses.

Chaque fois qu�un gouvernement essayait de stabiliser le mark, c��taient les grands industriels qui sapaient d�lib�r�ment ses efforts. Ainsi, en 1920 ils r�agirent � un imp�t d�urgence sur la propri�t� en d�pla�ant des fonds � l��tranger et en r�duisant la valeur du mark jusqu�� ce que les marks de papier avec lesquels ils payaient l�imp�t n�aient plus qu�une valeur n�gligeable. En avril 1923, Stinnes prit la d�cision consciente de vendre de grandes quantit�s de marks sur les march�s �trangers, ce qui donna � la spirale inflationniste un nouvel essor. Stinnes et d�autres comme lui � esp�raient, par le sabotage de la taxation et une inflation qui ruinait l�Etat, le peuple et le pays, sauvegarder leur pouvoir et accro�tre la fuite de leurs capitaux � l��tranger ï¿½.10

S�il y avait le moindre doute � ce sujet, ils le dissip�rent eux-m�mes. En 1920, et � nouveau en juin 1923, ils propos�rent un march� au gouvernement. L�Association des Industriels du Reich se d�clara pr�te � consentir un pr�t d�or et contribuer ainsi � stopper l�inflation si � les autres partenaires sociaux faisaient aussi des sacrifices ï¿½ - un abandon complet des contr�les sur les prix et les loyers, une extension de la journ�e de travail de huit � dix heures � temporairement ï¿½ (pour 15 ans !), la r�duction des salaires � non productifs ï¿½, la d�nationalisation des chemins de fer, l�abandon des plans de participation industrielle, et une � l�gislation qui d�fende et accroisse le capital industriel ï¿½.

Cela revenait en pratique � d�manteler tous les gains que les travailleurs allemands avaient r�alis�s depuis la r�volution de 1918. Les industriels avouaient implicitement que si la loi ne satisfaisait pas leurs exigences, ils pouvaient r�aliser le m�me but, un accroissement massif des niveaux de profit, par l�effet de l�inflation en appauvrissant la masse de la population. L�inflation aboutissait � ce que les salaires �taient toujours en retard sur les prix, la diff�rence allant aux profits, m�me � une �poque o� le gouvernement semblait encore faire des concessions aux salari�s.

L�inflation �tait incontestablement une � arme ï¿½ - une arme pour accro�tre la concentration et l�accumulation du capital aux d�pens � la fois des travailleurs et de sections de la classe moyenne.

Les origines de la grande crise : la Ruhr

Le capitalisme allemand et les gouvernements allemands des ann�es 1920 faisaient face � un grave dilemme. Ils restaient encha�n�s aux buts et aux politiques imp�rialistes qui les avaient fait entrer en guerre en 1914. Stinnes, par exemple, r�vait d�une Allemagne qui serait capable d��liminer la Pologne, de dominer la Russie et l�Italie et de se r�pandre industriellement en Europe du Sud-Est � la politique de Ludendorff et Hindenburg en 14-18, et plus tard celle de Hitler.

Mais l�Allemagne avait �t� battue et largement d�sarm�e. Elle n�avait pas la possibilit� de se d�velopper par des moyens militaires. L�opposition de la France, par exemple, avait pu bloquer la demande du parlement autrichien de fusion avec l�Allemagne en 1919. Pire encore, l�Allemagne �tait elle-m�me la victime de l�expansion �trang�re. Elle avait d� c�der des territoires � la France et � la Pologne, et �tait oblig�e de livrer de l�or et des biens comme � r�parations ï¿½ � la France, la Belgique et l�Italie, parmi lesquelles un quart de sa production totale de charbon.

Les gouvernements sociaux-d�mocrates des premi�res ann�es d�apr�s-guerre n�avaient pas vu d�autre choix que celui de se soumettre � ces obligations. Ils suivirent ce qui devint connu sous le nom de � politique d�acquittement ï¿½ (Erf�llungspolitik) � essayer de payer ce qu�exigeaient les Alli�s.

Mais les partis bourgeois de droite trouv�rent politiquement avantageux d�adopter une attitude d�extr�me hostilit� envers le Trait� de Versailles et les r�parations. Ils n��taient pas au gouvernement et savaient qu�ils pouvaient facilement am�liorer leur popularit� en mettant l�inflation et les difficult�s au compte des � tra�tres de Novembre ï¿½ qui s��taient � inclin�s ï¿½ devant le � diktat des puissances �trang�res ï¿½.

Pour les partis bourgeois � mod�r�s ï¿½ � les D�mocrates et le Parti du Centre catholique � les choses �taient un peu plus difficiles. Les sociaux-d�mocrates comptaient sur eux pour conserver une majorit� parlementaire stable. Cependant ces partis ne voulaient pas porter la responsabilit� des concessions � � l�ennemi ï¿½ du temps de guerre, sachant que cela leur ali�nerait la sympathie des partis situ�s sur leur droite.

Le r�sultat �tait que l�Allemagne avait des difficult�s � garder un gouvernement stable, m�me apr�s la d�faite de la premi�re vague de r�volution en 1919. Il y avait des crises minist�rielles � r�p�tition, les partis bourgeois essayant d�accro�tre leur emprise sur le gouvernement au d�triment des sociaux-d�mocrates � puis s�effrayaient des responsabilit�s li�es � l�ex�cution des termes du Trait� de Versailles. Ainsi, ils firent sortir les sociaux-d�mocrates de l�ex�cutif � l��t� 1920, pour revenir dans un gouvernement � participation social-d�mocrate, avec Wirth comme chancelier, � peine 12 mois plus tard.

De telles man�uvres ne pouvaient, en tout �tat de cause, arr�ter la croissance d�une extr�me droite hostile � ces partis � mod�r�s ï¿½. Un d�g�t collat�ral �tait le doublement du vote d�extr�me droite entre 1919 et 1920. Un autre fut l�assassinat par des gangs arm�s d�extr�me droite de deux politiciens bourgeois associ�s � la � politique d�acquittement ï¿½ � Erzberger en ao�t 1921 et Rathenau en juin 1922.

Le grand capital encourageait l�extr�me droite : le journal de Stinnes, DAZ, avait un ton strident d�extr�me droite nationaliste, pendant que Thyssen se vantait d�armer des groupes terroristes de m�me sensibilit�. Mais ils n��taient pas assez stupides pour croire que le capitalisme allemand pouvait opposer une r�sistance compl�te aux exigences de l�Entente. Stinnes, par exemple, savait que la guerre n��tait pas une option. Alors il essayait d�atteindre ses buts imp�rialistes par d�autres moyens � en mettant la pression sur les Alli�s, dans l�espoir que la Grande Bretagne et les Etats-Unis cesseraient de s�entendre avec la France, ouvrant une possibilit� de compromis favorable � l�Allemagne. Il r�vait d�un arrangement par lequel les entreprises allemandes et fran�aises formeraient un trust conjoint, sur une base 40/60, pour l�exploitation des ressources mini�res de la Ruhr-Rh�nanie et de l�Alsace.

Mais en �t� 1922 les Alli�s � en particulier les Fran�ais � n��taient pas d�humeur � conclure des compromis. Le capitalisme fran�ais, comme le capitalisme allemand, avait encore des dettes laiss�es par la guerre. Il subissait des pressions pour payer ce qu�il devait aux autres puissances de l�Entente et pour donner quelque chose aux classes moyennes. Un nouveau gouvernement, pr�sid� par Poincar�, posa ses exigences : si les r�parations n��taient pas pay�es dans leur totalit�, il mettrait en mouvement les troupes qui occupaient d�j� le sud de la Rh�nanie pour prendre le contr�le du centre de l�industrie allemande, la Ruhr.

Le grand capital allemand �tait convaincu que si la France mettait sa menace � ex�cution, elle en souffrirait davantage que l�Allemagne. Le chaos en r�sulterait, interrompant la livraison des mati�res premi�res allemandes � l�industrie fran�aise. Et l�Angleterre et les Etats-Unis se retourneraient contre la France. Pendant ce temps, les co�ts subis par l�industrie allemande pouvaient �tre r�cup�r�s par une augmentation de l�inflation aux d�pens des travailleurs et de la classe moyenne allemands. Comme le disait Stinnes, � Une extension de la zone d�occupation fran�aise est un moindre mal ï¿½, compar�e � la poursuite du paiement int�gral des r�parations.11

A la fin de 1923, le � roi de la Ruhr ï¿½ avait un gouvernement dispos� � appliquer sa politique. Le gouvernement Wirth soutenu par les sociaux-d�mocrates fut remplac� par le gouvernement le plus droitier depuis la guerre, pr�sid� par Wilhelm Cuno, un membre du parti auquel Stinnes appartenait et qu�il finan�ait, le Parti du Peuple Allemand. Cuno �tait aussi pr�sident de la ligne maritime Hamburg-Amerika, qui �taient li�e aux int�r�ts des Rockefeller aux Etats-Unis.

Le nouveau gouvernement rompit avec la � politique d�acquittement ï¿½, lan�a le slogan � le pain d�abord, les r�parations ensuite ï¿½, et mit les Fran�ais au d�fi de passer � l�action. Ces derniers r�agirent conform�ment � leur menaces. Dans la troisi�me semaine de 1923, ils occup�rent les deux tiers du bassin de la Ruhr.

Le r�sultat imm�diat fut un sentiment d�unit� nationale comme il n�y en avait pas eu en Allemagne depuis ao�t 14. Le gouvernement Cuno se retrouva soudain extr�mement populaire. Sa politique fut approuv�e par le Reichstag avec seulement 12 voix (les communistes) contre. Dans tout le pays se tenaient des meetings massifs d�opposition aux exigences fran�aises : un demi-million de personnes manifest�rent � Berlin.

Les sociaux-d�mocrates mirent tout leur poids dans le soutien � la politique du gouvernement dont ils venaient d��tre �ject�s. Ils organis�rent leurs propres meetings nationalistes, et lorsque les Fran�ais arr�t�rent un certain nombre de chefs d�entreprises de la Ruhr, Vorw�rts proclama :

Que ces gens soient des amis ou des ennemis du mouvement ouvrier est de peu d�importance. Le sentiment l�galiste et humanitaire des travailleurs reconna�t instinctivement, dans un moment pareil, que ces questions n�ont pas d�importance.12

Les dirigeants syndicaux rencontr�rent des repr�sentants des employeurs et du gouvernement tous les quinze jours pour coordonner la � r�sistance ï¿½ � l�occupation. Le 15 janvier, ils soutinrent une gr�ve de protestation d�une demie heure. Dans la Ruhr m�me, les travailleurs faisaient montre d�une solidarit� tout � fait inhabituelle avec leurs ma�tres. Une tentative des Fran�ais d�arr�ter Thyssen se heurta � une menace d�action gr�viste de ses salari�s : seuls ses arguments purent stopper la gr�ve.

La politique officielle du gouvernement �tait la � r�sistance passive ï¿½. Le but �tait que l�occupation se retourne contre les Fran�ais, leur rendant difficile et co�teuse l�obtention des r�parations et des mati�res premi�res dont ils avaient besoin pour leur industrie. Les fonctionnaires et la police se virent interdire toute coop�ration avec les occupants, les cheminots cess�rent tout mouvement de marchandises et les mineurs toute extraction sous la menace des ba�onnettes fran�aises.

Il y eut une r�ponse quasi unanime des travailleurs et des fonctionnaires gouvernementaux. Le r�seau ferr� de la Ruhr fut bient�t paralys� ; il y eut des gr�ves spasmodiques lors de l�entr�e des troupes fran�aises dans les mines ; les centres postaux et t�l�graphiques furent ferm�s. En fait, la r�action alla au-del� de ce que voulait le gouvernement � elle se r�pandit de la Ruhr aux r�gions de la Rh�nanie qui �taient occup�es par les Fran�ais avec l�accord du gouvernement allemand depuis quatre ans.

Les Fran�ais essay�rent de briser la r�sistance en proc�dant � des arrestations et en expulsant les employ�s gouvernementaux r�calcitrants : quelque 100 000 expulsions dans les six premiers mois de 1923. Tous les cheminots furent licenci�s et remplac�s par des soldats fran�ais et des volontaires. Les douaniers allemands furent �ject�s, et les policiers de s�curit� remplac�s par des gendarmes fran�ais. Des villes de la Ruhr comme Bochum et Essen, th��tre de combats acharn�s entre travailleurs et troupes allemandes en 1919 et 1920, �taient maintenant la sc�ne d�affrontements entre les manifestants et la police fran�aise. En ao�t, les Fran�ais avaient tu� 121 travailleurs allemands.

Au d�but, les efforts mis en �uvre par les Fran�ais sembl�rent peu efficaces. Ils ne parvinrent � exp�dier que 500 000 tonnes de charbon entre janvier et mai 1923 � � peine 14 % des r�parations qui leur �taient dues. Mais il y eut d�s le d�part des accrocs � � l�unit� nationale ï¿½ de la r�sistance allemande.

Dans l�esprit des industriels et des propri�taires de mines de la Ruhr, la r�sistance �tait destin�e � arracher des concessions � la France. Il consid�raient que cela ne valait pas le coup de subir d�importantes pertes �conomiques. Et en janvier leur politique �tait de continuer les livraisons de charbon aux Fran�ais, � conditions que les paiements soient effectu�s en esp�ces :

Les propri�taires de mines ont donc accept�, en accord avec le gouvernement, de continuer contre paiement des livraisons de charbon, et cela alors m�me que leurs journaux et les r�solutions de leurs associations appelaient le peuple allemand � r�sister � l�invasion.13

Le gouvernement finit par interdire ces livraisons par peur de troubles dans la population, mais les propri�taires firent de leur mieux pour poursuivre les op�rations d�extraction, m�me si cela aboutissait � l�accumulation de vastes stocks de charbon. Ils ne semblaient pas non plus s�inqui�ter outre mesure si, comme dans les mines de Stinnes � Buer, les Fran�ais faisaient des envois quotidiens pr�lev�s sur les stocks ; jusqu�en juillet, les mines de Krupp tournaient encore � plein rendement.

Les r�unions bimensuelles des syndicats et des employeurs furent utilis�es pour d�courager un exc�s de gr�ves de protestation contre les actes des Fran�ais. Ensemble, ils proclamaient avec insistance que � l�ordre doit r�gner face � l�occupant ï¿½.14 Les dirigeants syndicaux s�oppos�rent � un appel � la gr�ve g�n�rale, et les patrons accord�rent au d�but de f�vrier une augmentation de salaire de 77,7 % aux mineurs de la Ruhr pour obtenir leur bonne volont�.

La presse de Stinnes pr�chait une hostilit� implacable envers les � tra�tres ï¿½ qui collaboraient avec les autorit�s d�occupation. Mais Stinnes lui-m�me �tait engag� dans des n�gociations secr�tes avec les int�r�ts industriels fran�ais et, indirectement, avec le gouvernement fran�ais. Pendant ce temps, des peines de prison prononc�es contre des industriels tels que Krupp leur permettaient miraculeusement de continuer � diriger leurs affaires de leurs � cellules ï¿½ avant qu�ils ne soient, tout aussi miraculeusement, mis en � r�sidence surveill�e ï¿½.

Il ne fallut pas beaucoup de temps pour que les Fran�ais, dans de telles conditions, commencent � jouir d�un certain succ�s : ils obtinrent que le r�seau ferr� local fonctionne � nouveau, persuad�rent la population de l�utiliser, et, en prime, exp�di�rent entre mai et ao�t un million et demi de tonnes de charbon. Comme l�a remarqu� un historien de la R�publique de Weimar, � la soi-disant r�sistance passive de l'ann�e 1923 est donc en r�alit� une fable ï¿½.15

Cela ne l�emp�cha pas, cependant, d��tre une fable tr�s co�teuse pour la plus grande partie du peuple allemand.

Le gouvernement devait � tout prix conserver le soutien des travailleurs et des �chelons inf�rieurs de l�administration dans la Ruhr. Sans cela, non seulement la � r�sistance passive ï¿½ s�effondrait, mais il y avait un vrai danger que les Fran�ais encouragent le s�paratisme rh�nan � et bien s�r il fallait aussi compter avec la puissante tradition socialiste r�volutionnaire locale. Moyennant quoi le gouvernement paya les salaires et les frais de d�placement des 100 000 personnes expuls�es par les Fran�ais, promit le maintien de leur entier salaire � ceux qui avaient �t� licenci�s pour avoir directement r�sist� � l�occupation, et les trois quarts du salaire � ceux qui avaient perdu leur travail pour des causes indirectes. Pour couronner le tout, le gouvernement fit ce qu�il put pour assurer le ravitaillement de la r�gion, pour compenser une p�nurie qui provoquait une inflation sup�rieure � celle du reste de l�Allemagne.

Mais les sommes pay�es � ce titre �taient des mis�res compar�es aux autres d�penses de � l�aide � la Ruhr ï¿½ � les cr�dits consentis aux charbonniers et aux industriels de la r�gion. Des pr�ts �normes leur furent accord�s, financ�s par la planche � billets, qu�ils utilis�rent aussit�t sans vergogne pour sp�culer contre le mark.

La � r�sistance passive ï¿½ qui avait si bien uni le peuple allemand en janvier avait fin avril des cons�quences qui d�chiraient le pays comme jamais auparavant ; l�inflation c�dait la place � l�hyper-inflation ; la classe ouvri�re appauvrie accusait Stinnes et les profiteurs ; les classes moyennes ruin�es affluaient dans les partis antis�mites d�extr�me droite financ�s par Stinnes et les profiteurs. Dans la Ruhr et sur le Rhin, le chauvinisme avait fait place au progr�s de l�influence communiste, d�une part, et � une certaine dose de s�paratisme rh�nan, d�autre part. Dans les villes d�Allemagne centrale, il y avait une augmentation consid�rable de l�activisme ouvrier. En Bavi�re, un d�veloppement sans pr�c�dent de la droite fasciste.

Les origines de la grande crise : la droite nationaliste

L�inflation eut un effet d�vastateur sur des sections enti�res de la classe moyenne � ceux qui vivaient des pensions et retraites, d'obligations � int�r�ts fixes, de leur �pargne accumul�e et des rentes sur la propri�t�. M�me ceux qui avaient des emplois d�pendaient de ces sources suppl�mentaires de revenus pour maintenir une fa�ade de � respectabilit� ï¿½. Et soudain, leurs coupons, leurs dividendes et leurs livrets d��pargne �taient sans valeur. Les �l�ments les plus � respectables ï¿½ de la soci�t� allemande �taient au bord de la famine � les fonctionnaires, les officiers � la retraite, les professeurs d�universit�, les anciens policiers. Des gens qui avaient pass� leurs vies � cultiver soigneusement un style de vie qui les pla�ait un �chelon au dessus des � gens du commun ï¿½, se retrouvaient brutalement projet�s bien en dessous : la vieille aristocrate faisait la queue � la soupe populaire ; la fille du g�n�ral avait de la chance si elle parvenait � vendre son corps � un matelot �tranger pour des devises.

Pour les partis d�extr�me droite, il �tait tr�s facile de tirer avantage de cette situation. Pendant les premi�res ann�es de la r�publique, ils avaient �t� marginalis�s. Leurs valeurs �taient celles des Freikorps, mais lors des �lections, les deux partis de droite � les Nationalistes Allemands, un parti paysan monarchiste, et le Parti du Peuple Allemand, soutenu par les industriels � recueillaient � eux deux � peine un cinqui�me des suffrages. Le gros de la classe moyenne s�identifiait toujours avec les partis r�publicains bourgeois � les D�mocrates et le Parti du Centre. L�extr�me droite militariste n��tait m�me pas une aile extr�miste marginale : Hitler �tait � Munich pendant les journ�es de la R�publique des Conseils et ne joua absolument aucun r�le politique.

Les choses avaient d�j� commenc� � changer pendant l�hiver 1919-1920. Malgr� tout la classe moyenne, dans l�ensemble, se joignit � la lutte contre le putsch de Kapp et les partis de droite furent ensuite embarrass�s par leur soutien, m�me ti�de, � Kapp.

En 1922, cependant, la d�ception envers la r�publique s��tait v�ritablement install�e. La droite croissait en force et en agressivit�. Et aux c�t�s de la vieille droite conservatrice apparaissait une extr�me droite nouvelle, militante, reposant sur un noyau d�anciens membres des Freikorps. Ce sont les hommes qui assassin�rent Erzberger en 1921 et Rathenau en 1922 � et qui commirent 351 meurtres politiques en quatre ans.

Leur force �tait assez grande, au milieu de 1922, pour inqui�ter les politiciens sociaux-d�mocrates et d�mocrates bourgeois qui avaient utilis� les Freikorps contre la gauche en 1919-1920. En Prusse, le ministre de l�int�rieur social-d�mocrate Severing essaya d�interdire les nazis et la formation militaire nationaliste conservatrice Stahlheim ; et apr�s le meurtre de Rathenau, le premier ministre d�mocrate du Reich avait d�clar� : � L�ennemi est � droite ï¿½.

Mais de tels efforts pour neutraliser la droite �taient futiles. Parce qu�elle avait deux grands protecteurs : les autorit�s de l�Etat en Bavi�re et le Haut Commandement des forces arm�es.

La Bavi�re �tait un centre d�intrigues et d�influence pour la droite depuis l��crasement de la R�publique des Conseils. C��tait l�endroit o� le putsch de Kapp avait b�n�fici� du soutien le plus durable, portant au pouvoir le tr�s conservateur Parti du Peuple Bavarois, avec un ministre de l�int�rieur d�extr�me droite, Escherich. Celui-ci transforma la Bavi�re en une forteresse pour tous les groupes d�extr�me droite d�Allemagne. Il cr�a une organisation arm�e nationale, l�Orgesch (pour Organisation Escherich) bas�e sur les Gardes Locaux Bavarois forts de 45 000 hommes, et rassembla dans le pays les divers vestiges des Freikorps, parmi lesquels la Brigade Erhardt, qui avait dirig� le putsch de Kapp, et d�autres groupes arm�s qui avaient combattu les Polonais en Haute Sil�sie.

Le travail du ministre de l�int�rieur bavarois b�n�ficia de la collaboration du commandement de l�arm�e en Bavi�re. Gr�ce � la m�diation d�un certain capitaine R�hm, celui-ci commen�a � coop�rer avec le Parti National-Socialiste des Travailleurs Allemands, ou nazi, qui s��tait r�cemment d�velopp� autour du d�magogue antis�mite autrichien Adolf Hitler.

Sur le plan national �galement, les forces arm�es �taient un bastion de l�extr�me droite. Le commandant en chef, Seeckt, consid�rait les 100 000 soldats que lui autorisait le Trait� de Versailles comme le noyau possible d�une arm�e bien plus importante dans l�avenir. Il fut donc ravi d�encourager la prolif�ration de groupes paramilitaires, � moiti� secrets, qui �uvraient en liaison avec l�arm�e et qui pouvaient y �tre absorb�s si n�cessaire. Il maintint �galement la position qu�il avait prise � l��poque du putsch de Kapp : � La Reichswehr ne tirera pas sur la Reichswehr ï¿½. Peut-�tre pensait-il que l�extr�me droite �tait trop impatiente et se mettait en mouvement pr�matur�ment, mais si elle r�ussissait, tant mieux.

Ce que cela signifiait en pratique fut d�montr� en 1922 lors de l�assassinat de Rathenau. Le gouvernement de Wirth fit voter une loi d�exception contre l�extr�me droite au niveau de tout le pays � mais le gouvernement du Land de Bavi�re refusa tout simplement de l�appliquer. Comme Wirth savait que l�arm�e ne bougerait pas contre la Bavi�re, il fut forc� d�accepter un � compromis ï¿½ qui constituait une v�ritable capitulation devant la droite bavaroise. Les paramilitaires continu�rent � parader � Nuremberg et Munich, et � recevoir un entra�nement aux bons soins de la Reichswehr en Bavi�re � Wirth �tait impuissant.

En janvier 1923, ce fut au tour du premier ministre bavarois de reculer face � l�alliance des nationalistes et des militaires. Inquiet d�une vague grandissante de violence nazie, il interdit une s�rie de manifestations arm�es. Hitler prit langue avec le commandant de l�arm�e en Bavi�re, Lossow, qui fit lever l�interdiction. Le journal nazi notait avec satisfaction, apr�s la parade des 6 000 sections d�assaut : ï¿½ C��tait un d�fil� militaire, m�me s�il n�y avait pas d�armes ï¿½.

Sur le plan national, la collaboration entre les militaires et l�extr�me droite connut un nouvel essor apr�s l�occupation fran�aise. Seeckt pensait qu�une action arm�e contre les Fran�ais serait une folie. Mais il �tait tout � fait pr�t � encourager des petites op�rations de gu�rilla organis�es par l�extr�me droite, et il donna le feu vert � l�absorption de nombreux groupes fascistes dans une section clandestine de la Reichswehr, la � Reichswehr noire ï¿½. L�argent des industriels �tait utilis� pour entra�ner des volontaires nationalistes de toute l�Allemagne pour des op�rations contre les Fran�ais dans la Ruhr � ou contre la gauche n�importe o�.

Au fut et � mesure que la � r�sistance passive ï¿½ se r�v�ler �tre une plaisanterie, le nombre de ces volontaires ne faisait que cro�tre, et dans tout le pays de jeunes nationalistes br�laient du d�sir de combattre � l�envahisseur ï¿½.

Mais la croissance des forces de la droite n��tait pas due essentiellement � la Ruhr. Elle avait saisi l�occasion pour affermir sa position en Bavi�re, o� en �t� m�me le tr�s mod�r� Parti Social-D�mocrate fut � moiti� pers�cut� :

La situation � Munich pendant l��t� de 1923 �tait fantastique. Des rumeurs constantes d�un putsch nazi circulaient et atteignaient un paroxysme toutes les quatre semaines. La nuit, la ville bouillait d�excitation. Des sections d�assaut patrouillaient dans les rues, rossant les gens qui n�avaient pas le bonheur de leur plaire. (...) Dans les b�timents du M�nchener Post (le journal du SPD) et du Temple du Travail, les hommes du D�tachement de S�curit� Social-D�mocrate, arm�s de fusils, de quelques mitrailleuses et de grenades artisanales, se tenaient derri�re des barricades faites d��normes rouleaux de papier et regardaient passer les colonnes nazies.16

Pour le Haut Commandement de l�Arm�e, les nazis et les groupes similaires �taient un utile contrepoids aux forces de la gauche. D�j�, en janvier, Seeckt et Cuno avaient envisag� la possibilit� de dissoudre le parlement et d��tablir une dictature � temporaire ï¿½. Mais ils avaient �t� oblig�s d�abandonner cette id�e du fait de l�opposition d�Ebert, qui �tait toujours pr�sident. Mais l�id�e ne fit que cro�tre en popularit�, au cours de l�ann�e, dans l�arm�e et les milieux d�affaires.

En Bavi�re, le gouvernement de droite local essayait lui aussi d�utiliser les nazis � ses propres fins � pas seulement pour terroriser la classe ouvri�re, mais aussi pour pr�parer le terrain � la formation d�un Etat autoritaire, dirig� par la droite cl�ricale et autonome de Berlin.

Les projets d�Hitler allaient au-del� de ceux des piliers dont il avait besoin � l�arm�e et le gouvernement bavarois. Quelques mois auparavant, Mussolini avait march� sur Rome et pris le pouvoir. Hitler consid�rait la Bavi�re comme la base dans laquelle rassembler une arm�e fasciste pour marcher sur Berlin. Mais pour y arriver, il lui faudrait d�abord passer par les bastions traditionnels de l�extr�me gauche � le Land de Saxe, en Allemagne centrale, la Thuringe et la Saxe prussienne.

L�inflation, la crise de la Ruhr, la mont�e du fascisme et l��clatement de l�Etat national se nourrissaient mutuellement, cr�ant une crise sociale et politique g�n�rale dans laquelle la lutte contre l�inflation ne pouvait �tre s�par�e du combat contre l�extr�me droite.

La classe ouvri�re

L�ann�e 1922 avait �t� satisfaisante pour les deux grands partis en comp�tition pour influencer la classe ouvri�re allemande. Les sociaux-d�mocrates avaient l�impression qu�ils pouvaient se reposer, maintenant que les ann�es �prouvantes dans lesquelles la collaboration de classe avait �t� menac�e par la guerre civile �taient pass�es. Dans ces temps moins turbulents, le r�sidu des sociaux-d�mocrates ind�pendants s��tait rapproch� d�eux, jusqu�� ce qu�une fusion se r�alise � l�automne. Cela donna au nouveau Parti Social-D�mocrate unifi� un regain d�influence parlementaire, avec 170 des 466 si�ges du Reichstag. Au surplus, cela facilitait les rapports avec la bureaucratie syndicale, dont l�all�geance n��tait plus divis�e entre deux partis sociaux-d�mocrates rivaux. M�me en Bavi�re, le SPD avait gagn� du terrain sur la droite. Et, jusqu�� la fin de l�ann�e, il semblait qu�aucun gouvernement national ne p�t durer longtemps sans la participation des sociaux-d�mocrates.

De fa�on caract�ristique, cependant, obs�d�s qu'ils �taient par ce qui se passaient dans les sommets de la soci�t�, les sociaux-d�mocrates n�gligeaient ce qui se produisait en bas, dans les profondeurs de la classe ouvri�re.

L�inflation et les activit�s des paramilitaires de droite cr�aient un m�contentement nouveau. Il y eut une s�rie de grandes gr�ves. Le meurtre de Rathenau produisit le m�me genre d�unit� et de d�termination de la classe ouvri�re que le putsch de Kapp deux ans auparavant � m�me si cette fois cela n�alla pas jusqu�� des offensives arm�es des travailleurs.

Dans la base social-d�mocrate, on ressentait de plus en plus que les dirigeants ne faisaient pas ce qu�il fallait pour faire face � la situation. Cette ann�e d�autosatisfaction social-d�mocrate fut tout de m�me une ann�e dans laquelle les effectifs du SPD s�effrit�rent l�g�rement � il perdit 47 000 membres.17 Et seulement la moiti� des adh�rents de l�USPD avaient suivi leurs dirigeants dans le nouveau parti unifi�.

La direction du SPD ne pouvait rester hors d�atteinte de ce m�contentement dans sa base militante. Certains leaders commenc�rent � h�siter sur l�application int�grale de la vieille politique. Lorsque les sociaux-d�mocrates prussiens approuv�rent un gouvernement local de � grande coalition ï¿½ incluant le Parti du Peuple Allemand de Stinnes, de nombreux d�put�s au Landtag exprim�rent leur opposition. Lorsque la m�me id�e fut �voqu�e en novembre pour le gouvernement central, l�opposition �tait suffisamment forte pour faire avorter le projet, que le groupe parlementaire national rejeta par 80 voix contre 48.

La cons�quence de ce vote fut que le SPD fut �vinc� du gouvernement par ses partenaires bourgeois. Mais il ne mit pas fin aux divisions internes. Le nouveau chancelier, Cuno, �tait un r�actionnaire notoire, dont la direction du SPD � tol�rait ï¿½ le gouvernement. Lorsque la Ruhr fut occup�e, elle s�empressa d�appuyer l�appel de la droite � � l�unit� nationale ï¿½ � m�me si pr�s de la moiti� du groupe SPD voulait le rejeter. Au Landtag prussien, certains d�put�s du SPD all�rent jusqu�� voter avec les communistes contre la ligne du parti.

Le Parti Communiste avait de meilleures raisons d��tre satisfait de l�ann�e 1922. Sans �tre une ann�e o� il pouvait r�ver de lutte pour le pouvoir, il avait, petit � petit, pans� les blessures caus�es par l�Action de Mars et la perte de tant de cadres dirigeants.

La direction mettait d�sormais toute sa d�termination dans la politique du � front unique ï¿½. Les membres avaient pour instruction de faire tous les efforts possibles pour agir avec des travailleurs non communistes, de combattre � leurs c�t�s sur des questions apparemment loin d��tre r�volutionnaires, pour montrer, selon les termes de Brandler, que les dirigeants sociaux-d�mocrates ne se battraient m�me pas pour un � quignon de pain ï¿½. Seuls les communistes pouvaient diriger de telles luttes et seule une tactique communiste pouvait permettre de gagner.

Le premier exemple frappant de ce que signifiait cette politique vint au d�but de 1922. Le gouvernement, dans une tentative molle d�am�liorer ses finances et d�apaiser le grand capital, refusa les revendications de salaires des cheminots, exigeant au contraire des licenciements et une augmentation du temps de travail. Les dirigeants des principaux syndicats sociaux-d�mocrates � libres ï¿½ �taient pr�ts � accepter, par loyaut� envers leurs amis au gouvernement. Mais un syndicat de cheminots ind�pendant, � apolitique ï¿½ et traditionnellement conservateur organisa la r�sistance.

� Les membres de ce syndicat ï¿½, disait un rapport au Congr�s du parti Communiste un an plus tard, � ï¿½taient loin d��tre r�volutionnaires. Ils croyaient qu�une action purement syndicaliste pouvait mettre en �chec la politique du gouvernement ï¿½.18

Mais le gouvernement consid�rait qu�une question politique �tait en jeu. Il voulait montrer � la classe ouvri�re qu�elle devait payer pour la restabilisation du capitalisme allemand. Ebert, en tant que pr�sident de la r�publique, interdit la gr�ve. Le chef social-d�mocrate de la police de Berlin confisqua la caisse de gr�ve du syndicat. Des dirigeants de la gr�ve furent arr�t�s. Aussi bien l�arm�e que la Technische Nothilfe, la force anti-gr�ve mis en place par Noske en 1919, furent utilis�es pour essayer de briser le mouvement.

Le Parti Communiste �tait la seule force organis�e, � l�int�rieur de la classe ouvri�re, qui fut pr�te � soutenir la gr�ve. Le syndicat � libre ï¿½ dirig� par les sociaux-d�mocrates restait intransigeant dans son opposition � l�action � m�me si la plupart de ses membres avaient cess� le travail.

Finalement le syndicat � ind�pendant ï¿½ qui avait appel� � la gr�ve recula face � ces pressions combin�es. Mais les communistes avaient pu convaincre des centaines de milliers d�ouvriers et de petits fonctionnaires que les syndicats r�formistes ne d�fendraient m�me pas des r�formes.

Alors que la gr�ve des chemins de fer se d�veloppait, les travailleurs municipaux qui alimentaient Berlin en eau, gaz et �lectricit� cess�rent le travail. A nouveau les dirigeants des syndicats s�y oppos�rent, et � nouveau seuls les communistes appel�rent � la solidarit�.

Lorsque 200 000 m�tallos d�Allemagne du Sud entam�rent ce qui devait �tre une gr�ve de deux mois, les dirigeants syndicaux furent plus prudents. Ils soutinrent verbalement les gr�vistes, mais, une fois de plus, seuls les communistes se joignirent aux gr�vistes eux-m�mes en appelant d�autres travailleurs � des actions de solidarit�, et en s�opposant � des tentatives de diluer les revendications.

L�appel � l�unit� d�action n��tait pas limit� aux questions �conomiques. Il y eut m�me une tentative de � front unique ï¿½ international contre l�offensive capitaliste. � L�Internationale ï¿½ dirig�e par les Ind�pendants allemands (que l�on a appel�e � l�Internationale Deux et Demi ï¿½) persuada aussi bien le Comintern que la Seconde Internationale reconstitu�e d�envoyer des d�l�gu�s se r�unir � Berlin. Peu de choses sortirent de cette conf�rence, sinon des discussions acerbes � mais elle fournit l�occasion de manifestations unitaires KPD-USPD dans toute l�Allemagne.

Mais la raison non-�conomique la plus importante pour l�action commune �tait la mont�e de la droite paramilitaire. Apr�s que des affrontements sanglants se soient produits au d�but de juin � K�nigsberg entre des travailleurs de gauche et l�extr�me droite, la direction communiste, dans une lettre ouverte, avertit les deux partis sociaux-d�mocrates et les syndicats que c��tait un pr�lude � une offensive nationale de la contre-r�volution. Il n�y eut aucune r�ponse des sociaux-d�mocrates. Mais l�argument des communistes dut sembler confirm� aux yeux de nombreux travailleurs lorsque Rathenau fut assassin� � peine une semaine plus tard.

Le meurtre provoqua une flamb�e de rage dans les rangs ouvriers. Les sociaux-d�mocrates ne pouvaient plus ignorer les appels des communistes � l�unit�. Dans toute l�Allemagne, leurs membres march�rent aux c�t�s des communistes contre l�extr�me droite. Ils auraient d�chir� leur carte du parti si leurs dirigeants n�avaient pas fait un geste dans le sens de l�unit�. Dans une s�rie sans pr�c�dent de r�unions communes, des repr�sentants des deux partis sociaux-d�mocrates, des syndicats et du KPD n�goci�rent les termes d�une r�action commune � l�assassinat. Les communistes poussaient � la mise en pratique de la politique accept�e verbalement par les sociaux-d�mocrates apr�s le putsch de Kapp � un appel � la purge de la Reichswehr, au d�sarmement des paramilitaires d�extr�me droite, � la lib�ration des prisonniers politiques de la classe ouvri�re, et � la formation de contingents arm�s de travailleurs pour faire face � l�extr�me droite.

Les sociaux-d�mocrates r�pondirent en disant que la solution �tait dans l�action parlementaire, mais sign�rent n�anmoins un accord provisoire pour des manifestations communes, ce qui s�av�ra suffisant pour satisfaire leur base. Ensuite, lorsque le gros de la col�re fut pass� et que les diff�rents dirigeants se r�unirent pour savoir quelle �tait la suite � donner � l�action, les sociaux-d�mocrates rompirent les n�gociations avec le KPD sous le fallacieux pr�texte que les activit�s militantes du KPD dans certaines localit�s l�avaient � priv� du droit ï¿½ de participer � un accord. Le SPD mettait toute sa foi dans une nouvelle � Loi pour la protection de la r�publique ï¿½ qui fut vot�e en urgence au Reichstag � m�me si, comme nous l�avons vu, cette loi ne pouvait �tre appliqu�e en Bavi�re et fut, en fait, utilis�e quelques mois plus tard dans le reste de l�Allemagne contre la gauche.

Cette rebuffade n�emp�cha pas les communistes de poser encore et encore la question de l�unit� d�action � liant en g�n�ral l�autod�fense contre les fascistes � l�unit� contre l�inflation, exigeant la saisie de la propri�t� industrielle par l�Etat et sous le contr�le des conseils d�usine.

Les appels du KPD �taient adress�s aux dirigeants des organisations social-d�mocrates, mais ils �taient destin�s aussi aux oreilles de leur base. Les organisations communistes locales s�employ�rent � attirer celle-ci dans les activit�s conjointes que ses dirigeants refusaient.

Dans les usines, les communistes argumentaient en faveur de conseils d�usines puissants, qui ignoreraient les limites impos�es par la loi les r�glementant, et qui s�uniraient de fa�on transversale pour lutter sur les salaires et les conditions de travail.

Alors qu�une pouss�e d�activisme sur les salaires commen�ait � se d�velopper vers la fin de l�ann�e, une assembl�e de d�l�gu�s de conseils d�usine de Berlin appela � une r�union nationale. Les d�l�gu�s adressaient pour commencer leur appel aux dirigeants syndicaux, et lorsqu�il fut rejet�, ils d�cid�rent de continuer sans eux. Le congr�s qui en r�sulta n��tait pas le congr�s de toute la classe ouvri�re qui avait �t� demand� aux syndicats. Mais c��tait loin d��tre une r�alisation n�gligeable � avec 846 d�l�gu�s, dont 657 appartenaient au KPD, 38 au SPD et 52 non-affili�s (vraisemblablement ceux qui avaient quitt� l�USPD lors de la fusion avec le SPD). C��tait un important indicateur de possibilit�s futures, et avant longtemps l�ex�cutif �lu au congr�s allait jouer un r�le important dans le d�clenchement et l�unification de luttes majeures de la classe ouvri�re.

Les conseils d�usine n��taient pas con�us comme restreints � un r�le purement �conomique. Le but �taient qu�ils remplissent des fonctions sociales et politiques embryonnaires. Ils �taient exhort�s � se lier � d�autres conseils d�usine et � des groupes de femmes au foyer pour former des � comit�s de contr�le ï¿½ � qui luttaient contre la hausse des prix et la sp�culation sur les produits de premi�re n�cessit�.

En fait, les comit�s de contr�le �largissaient le pouvoir des conseils de l�usine � la communaut�, maillant les organisations locales de base de la classe ouvri�re en un r�seau serr� capable � la fois de combattre les effets de l�inflation et de regrouper les travailleurs dans une autod�fense contre l�extr�me droite.

Les dirigeants communistes ont proclam� que ces comit�s avaient �t� construits dans de nombreux endroits imm�diatement apr�s le meurtre de Rathenau, avec des � affrontements sanglants ï¿½ avec � la police ou l�Orgesch ï¿½ dans � la Rh�nanie, Magdebourg, la Hesse, Bade et Pfalz. A Zwickau les travailleurs prirent pratiquement le pouvoir entre leurs mains. Il y eut aussi de nombreux tu�s et bless�s ï¿½.19

La politique du � front unique ï¿½ fut tr�s critiqu�e � l�int�rieur du Parti Communiste. Une section notable des effectifs consid�rait tout discours de collaboration avec les dirigeants sociaux-d�mocrates comme � r�visionniste ï¿½, et les d�tails de sa mise en pratique furent � l�occasion critiqu�s par la direction du Comintern pour son � exc�s de tol�rance ï¿½ envers le SPD (apr�s le Congr�s des Trois Internationales et la campagne cons�cutive � l�assassinat de Rathenau). Pourtant il est incontestable que cette politique reconstruisit le parti en 1922, apr�s la d�vastation quasi-totale de 1921. Les effectifs s�accrurent de 38 000 nouveaux adh�rents. Avec un total de 222 000 membres (parmi lesquels 26 710 femmes) il �tait de loin le plus important parti communiste du monde occidental. Et en plus, le parti exer�ait une influence consid�rable au del� de ses propres rangs.

Les suffrages gagn�s par le KPD en �taient un indicateur. M�me si son attrait �lectoral n�avait rien de comparable � celui de l�USPD de 1920, il pouvait, par exemple, recueillir 266 000 voix dans les �lections du Land de Saxe. Il avait 12 014 conseillers municipaux, contr�lait 80 conseils locaux et �tait le parti le plus important dans 70 autres.

Dans les syndicats �galement la tactique du KPD s�av�ra payante. Les communistes prirent la direction du syndicat � libre ï¿½ (en d�autres termes, social-d�mocrate) des cheminots � Berlin et � Leipzig, du syndicat des travailleurs du b�timent � Berlin et D�sseldorf, des m�tallos � Stuttgart. Au congr�s de 1922 de la f�d�ration des syndicats � libres ï¿½, un d�l�gu� sur huit �tait communiste et sur un certain nombre de questions les r�solutions du parti furent adopt�es � malgr� une purge consid�rable des communistes par les bureaucrates syndicaux quelques mois auparavant.

Le KPD avait aussi une forte pr�sence dans les conf�rences d�un certain nombre de syndicats � � la conf�rence des cheminots un cinqui�me des d�l�gu�s �taient membres du KPD ; dans le syndicat des transports un dixi�me ; et celui des travailleurs municipaux un huiti�me.

Finalement, une addition faible mais utile aux forces du parti vint du contr�le de certains des syndicats dissidents constitu�s par les � gauchistes ï¿½ deux ou trois ans plus t�t : le Syndicat des Travailleurs Manuels et Intellectuels, qui avait 80 000 adh�rents dans la Ruhr et en Sil�sie, et deux syndicats de la construction navale de la c�te nord-ouest.

Il y avait cependant des faiblesses dans les relations du parti avec ses partisans � qu�ils votent pour lui aux �lections ou combattent avec lui dans les syndicats. La plus grande faiblesse semble avoir �t� sa presse. Le KPD �tait capable d��diter 38 quotidiens locaux � gr�ce au financement des Russes.20 Mais leur vente combin�e �tait seulement de 388 600 exemplaires � � peine un et demi par membre. Cela peut avoir eu un rapport avec leur co�t. Mais il ne fait aucun doute que le contenu �tait en cause : le journal central du KPD, Die rote Fahne, faisait peu de concessions � la popularit� � pas de photos, tr�s peu de dessins, un feuilleton � l�occasion, mais essentiellement page apr�s page de longs �ditoriaux pas particuli�rement bien �crits. Souvent le style semblait indiquer que l�article n��tait destin� qu�aux membres du parti : le titre d�une premi�re page c�l�bre fut � Aux membres du parti ï¿½, comme si personne ne s�attendait � ce que les sociaux-d�mocrates de gauche ou les non-membres ne soient int�ress�s.

Mais de telles faiblesses ne changeaient rien au fait que le KPD �tait le parti r�volutionnaire le plus influent et le plus puissant qu�une puissance industrielle avanc�e ait vu, avant ou depuis. Il �tait, bien s�r, plus petit qu�imm�diatement apr�s la fusion avec la gauche du SPD, mais il �tait bien mieux organis�.

Notes

1 Arthur Rosenberg, Entstehung und Geschichte der Weimarer Republik, Francfort sur le Main, 1988, p. 401.

2 Cit� in J C Favez, Le Reich devant l�occupation franco-belge de la Ruhr en 1923 ( Gen�ve 1969) p. 35.

3 Cit� in W Ersil, Aktionseinheit st�rtzt Cuno (Berlin 1961) p. 72.

4 Margarete Buber-Neumann, Kriegsschaupl�tze der Weltrevolution (Stuttgart 1967) p. 106.

5 Cit� in Guttman et Meehan, The Great Inflation, p. 203. Traduit de l'anglais.

6 Cit� in H J Gordon, The Reichswehr and the German Republic 1919-26 (Princeton 1957) p. 230. Traduit de l'anglais.

7 Cit� in M Buber-Neumann, op. cit., p. 109.

8 Guttman et Meehan, op. cit., p. 36.

9 J C Favez, op. cit., p. 31. Traduit de l'anglais.

10 Ibid, p. 25. Traduit de l'anglais.

11 Cit� ibidem, p. 31. Traduit de l'anglais.

12 Vorw�rts, 20 janvier 1923. Traduit de l'anglais.

13 J C Favez, op. cit., p. 74.

14 Ibidem, p. 111.

15 A Rosenberg, op. cit., p. 393.

16 Landauer, European Socialism (Berleley 1959) p. 971.

17 Chiffres de Bericht der Verhandlung der III (8) Parteitag der VKPD (28 janvier au 1er f�vrier 1923).

18 Ibid. Traduit de l'anglais.

19 Ibid, p. 30. Traduit de l'anglais.

20 Voir Isaac Deutscher in New Left Review 105.

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